
La Bibliothèque Municipale de Mulhouse renferme des ouvrages des XVe et XVIe siècles particulièrement intéressants pour notre programme de recherche Interreg « Patrimoine Humaniste du Rhin Supérieur ». Cette exposition en présente quelques-uns qui proviennent de deux fonds principaux, le fonds Armand Weiss de la Société Industrielle de Mulhouse qui a été confié en dépôt à la Bibliothèque Municipale, et le fonds propre de la Bibliotheca Mulhusina.
Le caractère encyclopédique de ces fonds reflète à la fois la diversité des provenances et des legs et, pour l’époque qui nous intéresse, les préoccupations des humanistes.
Dans le fonds propre de la Bibliothèque on trouve ainsi le plus ancien ouvrage imprimé conservé à Mulhouse, l’édition bâloise de la Cité de Dieu de Saint Augustin (1479), provenant sans doute d’un couvent mulhousien, vraisemblablement celui des Clarisses. Ce fleuron de notre exposition montre l’importance, jamais démentie, de ce Père de l’Église dans la pensée occidentale, son influence dans les controverses religieuses des XVe et XVIe siècles, mais aussi la force du modèle littéraire qu’il peut offrir aux humanistes. Il illustre aussi remarquablement la transition entre le manuscrit enluminé et l’imprimé.
Les livres confiés par la Société Industrielle portent tous l’ex-libris d’un magistrat mulhousien du XIXe siècle, Armand Weiss (1827-1892), bibliophile et collectionneur d’ouvrages anciens, incunables et livres du XVIe siècle imprimés dans la région. Plusieurs témoignent de la formation classique à laquelle il est resté aussi attaché qu’à sa terre natale. On comprend aisément qu’un Térence imprimé en 1496 à Strasbourg ait pu vivement intéresser cet érudit pour son contenu autant que pour la qualité des gravures sur bois qui l’ornent. Nouvel « humaniste », Armand Weiss a collectionné des ouvrages qui illustrent cette culture rhénane qui s’est développée dès le XVe siècle avec un fort retour aux sources antiques (d’où la présence de Virgile, d’Horace, d’Ovide et de Boèce aux côtés de Térence). Mais il s’est aussi intéressé à la diffusion d’un certain savoir scientifique à cette époque, puisqu’on trouve dans sa bibliothèque aussi bien Vitruve, architecte et ingénieur romain, que Specklin, son émule du XVIe siècle. Et la présence de certaines grandes figures de l’humanisme rhénan est illustrée par l’Eloge de la folie d’Erasme aussi bien que par la Stultifera navis, traduction latine du Narrenschiff de Sébastien Brant.
Parmi les collections anciennes de la Bibliothèque, on trouve des ouvrages qui reflètent les préoccupations d’une ville assez tôt tournée vers les sciences et les techniques, le commentaire de Dioscoride par Mattioli pour les sciences naturelles, Vésale ou Paracelse pour la médecine. On trouve aussi, tant dans les fonds de la Bibliothèque que dans celui de la Société Industrielle, de nombreuses estampes datant du XVIe siècle qui illustrent avec art les mêmes préoccupations que celles des éditions humanistes de l’époque. La mise en regard des unes et des autres pourra apporter une perspective intéressante à la problématique de l’exposition.
Tous les ouvrages exposés sont conservés dans les réserves de la Bibliothèque et ont été le plus souvent imprimés dans la région (Strasbourg, Bâle) - voire très localement puisque certains d’entre eux ont été imprimés à Mulhouse même par Peter Schmid en 1562. Ils attestent bien que la ville de Mulhouse ne s’est pas tenue à l’écart de ce grand mouvement d’idées nouvelles qu’est l’humanisme.